Savoirs et bonheur épicuriens

Epicure le libérateur

Humana ante oculos foede cum vita jaceret
In terris, oppressa gravi sub religione quae caput a caeli regionibus ostendebat,
Horribili super aspectu mortalibus instans primum Graius homo mortalis tollere contra
Est oculos ausus primusque obsistere contra ;
Quem neque fama deum nec fulmina nec minitanti
Murmure compressit caelum, sed eo magis acrem
Inritat animi virtutem ecfringere ut arta
Naturae primus claustra portarum cupiret.
Ergo vivida vis animi pervicit et extra
Processit longe flammantia moenia mundi,
Atque omne immensum peragravit mente animoque
Unde refert nobis victor quid possit oriri,
Quid nequeat

Tandis que l’humanité se trainait honteusement sur terre, devant nos yeux, écrasés sous une pesante superstition qui montrait sa tête depuis les régions du ciel, menaçant les mortels d’en haut de son horrible aspect, pour la première fois, un homme, un grec, osa lever contre elle ses yeux mortels et le premier, résister contre elle.
Cet homme, ni la réputation des dieux ni leur foudre ni le ciel avec son grondement menaçant ne le retinrent, au contraire, cela exita d’autant plus la vigueur aiguisé de son esprit, jusqu’à désirer briser le premier les verrous bien fermés de la nature.
Donc la force vigoureuse de son génie a vaincu et s’est avancé loin jusqu’aux remparts enflammés du monde, et il a parcouru le Tout immense de son intelligence et de son intuition, d’où il nous revient victorieux et nous rapporte ce qui peut naître et ce qui ne le peut pas.

Le clinamen

Illud in his quoque te rebus cognoscere avemus
Corpora cum deorsum rectum per inane feruntur
Ponderibus propriis, incerto tempore ferme
Incertisque locis spatio depellere paulum,
Tantum quod momen mutatum dicere possis.
Quod nisi declinare solerent, omnia deorsum,
Imbris uti guttae, caderent per inane profundum,
Nec foret offensus natus nec plaga create
Principiis: ita nil umquam natura creasset.
Quod si forte aliquis credit graviora potesse
Corpora ; quo citius rectum per inane ferantur,
Incidere ex supero levioribus atque ita plagas gignere quae possint genitalis redere motus,
Avius a vera longe ratione recedit.

A ce propos, nous voulons encore te faire savoir une chose : lorsque les atomes sont emportés dans le vide tout droit par leurs propres poids, à un certain moment, dans un lieu indéterminé, ils se détournent un peu de leur espace : suffisamment pour qu’on puisse dire que c’est un changement de mouvement.
Si ce n’est en effet qu’ils ne cesseraient tous, comme des gouttes d’eau, tomberaient à travers le vide profond, nulle collision ne pourrait naître, nul choc ne pourrait se produire entre eux. Ainsi, la nature n’aurait jamais rien créé.
Que si par hasard quelqu’un croit que les atomes plus lourds peuvent, sous prétexte qu’ils sont emportés plus vit à travers le vide dans leur chute vertical, tombé d’en haut sur les plus légers et qu’ainsi ils peuvent causer ces chocs, à l’origine du mouvement créateur, ils s’écartent bien loin du raisonnement juste.

Lucrèce, De Rerum Natura

Sérénité épicurienne

Suave, mari magno turbantibus aequora ventis,
e terra magnum alterius spectare laborem,
non quia vexari quemquam est jucunda voluptas,
sed quibus ipse malis careas quia cernere suavest.
Suave etiam belli certamina magna tueri
per campos instructa, tua sine parte pericli.
Sed nil dulcius est bene quam munita tenere
edita doctrina sapientum templa serena,
despicere unde queas alios passimque videre
errare atque viam palantes quaerere viae,
certare ingenio, contendere nobilitate,
noctes atque dies niti praestante labore
ad summas emergere opes rerumque potiri.
O miseras hominum, o pectora caeca!

Il est doux, lorsque, sur la mer immense les vents tourmentent les flots, d'observer depuis la terre, le grand malheur des autres, non parce qu'ily a un plaisir raffiné dans la souffrance d'autrui, mais parce qu'il est doux d'apercevoir des maux auxquels on échappe soi-même. Il est doux aussi de regarder dans la plaine, mais rien n'est plus doux que de tenir ces regions tranquiles, bien protégées, élevée sur la philosophie des sages, d'où tu peux toiser les autres, les voir errer de-ci, de-là, chercher, hagard, le chemin de leur vie, rivaliser d'intelligence, se battre pour la notoriété, s'efforcer nuits et jours, par un effort considérable, de se hisser jusqu'aux plus grandes richesses, et de s'emparer du pouvoir. Ô misérables esprits humains! Ô coeurs aveugles!

Ah Lucrèce, que dire de lui?!

Citation :

Lucrèce, en lat. Titus Lucretius Carus, poète latin (Rome ? v. 98-55 av. J. -C.), auteur du De natura rerum, épopée inspirée de la science et de la philosophie épicuriennes. Le poète expose, sur un mode poétique, sa morale du plaisir, ou bien suprême, et discerne dans la peur de la mort l'entrave principale au bonheur de l'homme.

(c) Larousse.

Il a jeté les bases de la science "moderne", en soutenant la théorie de l'atome, "corps qui ne peut être divisé", qui serait l'essence de la matière.
Il aurait eu l'intuition, comme Lavoisier l'a énoncé quelques 1500 ans plus tard, du "Rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme".
Tout ça en observant notamment un linge mouillé sécher au soleil!!
Voilà pour ce que je sais du côté "scientifique"
Quant à l'aspect épicurien, c'est un peu plus vague: je sais qu'il en est un des disciples, et qu'il profite de ce que le malheur ne s'acharne pas seulement sur lui (exemple du texte précédent).
Vous avez sûrement; que dis-je, certainement!! d'autres choses à ajouter concernant ces thèmes!!

Pour les atomes indivisibles (pléonasme !), Démocrite en avait eu l'intuition avant. Les atomes ne sont plus tout à fait élémentaires depuis qu'on connaît les nucléons, les quarks et les particules virtuelles, mais c'est déjà ça. En revanche, quand Lucrèce s'aventure à parler des chocs entre atomes, là, sans le savoir, il a bien vu !

Citation :

Il est doux, lorsque, sur la mer immense les vents tourmentent les flots, d'observer depuis la terre, le grand malheur des autres, non parce qu'ily a un plaisir raffiné dans la souffrance d'autrui, mais parce qu'il est doux d'apercevoir des maux auxquels on échappe soi-même.

Ah ! Le passage le plus connu du De Rerum ! La prof de philo nous l'a encore cité il n'y a pas longtemps, au sujet de l'épicurisme. Même Rome Total War a repris cette citation pour les écrans de chargement, le problème c'est qu'ils n'ont repris que la première partie, qui se trouve dès lors complètement sortie de son contexte et très mal interprétée par les joueurs qui ne connaissent pas Lucrèce (la majorité) : ce pauvre Lucrèce est donc passé pour un sadique aux yeux de milliers de joueurs...

Ô il est même aller plus loin!!
On a traduit un autre texte qui n'a pas été mis dans la liste...
Il racontait comment les chevaux, lorsqu'ils étaient parqués juste avant les jeux de l'hippodrome, avaient un certain temps de réaction avant de démarrer, et en a déduit qu'il y avait un fluide qui devait parcourir tous les membres!!
Il sentait déjà les nerfs et les stimulus (stimulii plus exactement, mais admettons...)!!

Dis donc le latiniste distingué ! Stimuli, pas stimulii !

OUAI!!
Je suis tombé sur le premier de cette liste!!
Et l'examinatrice a bien souligné que ça se voyait que j'étais en S...!!
En plus, on étudie la religion en même temps en philo, et on parlait justement du "De Rerum Natura"!!
Alors voila, ça tombait bien dites donc!!
Par contre j'ai eu un gros trou gênant sur la philosophie épicurienne et j'ai eu trop tendance à la comparer à la philosophie stoïcienne!! (évidemment, pour combler son inculture, on cache avec un autre thème!!)

Ah ! Ca s'est donc bien passé pour toi !
La prof a souligné que ça se voyait que tu étais en S, dis-tu, parce que tu lui as parlé des intuitions justes de Lucrèce à propos des sciences physiques ?

Oui oui et j'ai beaucoup développé le sujet!!