J'ai acquis les premiers tomes d'Ammien et lu l'introduction, et malheureusement aucun renseignement sur le style... J'ai en revanche trouvé une page intéressante:
http://pot-pourri.fltr.ucl.ac.be/files/aclassftp/TEXTES/Ammien_Marcellin/FRANCAIS/notices.htm
Voilà un paragraphe passionnant, bien représentatif du débat.
"Il reste que l'oeuvre d'Ammien est originale à plus d'un titre. Tout d'abord, fait unique dans l'historiographie romaine - les Commentaires de César mis à part -, Ammien est lui-même, bien souvent, la matière de son livre ; il parle d'ailleurs de lui à la première personne, ce que même César n'avait pas fait. Il a, en effet, été mêlé, en tant qu'officier supérieur, à plusieurs des événements, notamment militaires, qu'il raconte ; il lui arrive donc de se comporter en véritable mémorialiste, et cela donne une vie et un relief particuliers à nombre d'épisodes. D'autre part, il use d'une écriture étonnante, sur la signification de laquelle il convient de s'interroger. Sa syntaxe est souvent tourmentée, difficile, et surtout sa langue est extraordinairement composite, ce qui a fait parfois parler, à son propos, de «galimatias» : on y trouve en effet, dans une proportion variable, des néologismes et des archaïsmes, des poétismes et des vulgarismes, plus un nombre assez important d'hellénismes. Aussi a-t-on longtemps jugé avec sévérité cette prose manifestement «décadente», qu'un critique du siècle passé appelait «un vrai monstre, une chimère ayant tête de lion, corps de chèvre, jambes de chien et pattes d'ours» (Gimazane). Et l'on expliquait ce caractère monstrueux par le fait qu'Ammien, d'origine grecque, écrivait le latin comme on écrit une langue étrangère quand on l'a apprise dans les écoles et que l'on méconnaît les différences de registre et les variations chronologiques du langage : Ammien serait dans la situation d'un Allemand qui écrirait en français sans percevoir la différence entre la langue de Racine et celle du journalisme contemporain et sans savoir qu'on ne dit pas exactement la même chose quand on désigne l'élément liquide par l' «eau», l' «onde» ou la «flotte»... De fait, on le voit, par exemple, décrire une redoutable mégère gauloise en train de faire le coup de poing et employer, pour désigner les bras de la virago, un terme qui ne se trouvait avant lui que chez les poètes évoquant les tendres bras de leur bien-aimée... Ou il s'agit là d'une énorme impropriété, ou il s'agit d'un extraordinaire effet d'humour - et dans une thèse récente (fort brillante au demeurant) Guy Sabbah a proposé, justement, de renoncer à l'évaluation traditionnelle de l'écriture d'Ammien, et de voir dans l'écrivain un styliste de premier ordre, un véritable virtuose jouant sur le clavier de la langue avec une maîtrise incomparable. Chacune des deux interprétations soulève une difficulté : dans le premier cas, on se demande pourquoi Ammien s'est infligé le pensum d'écrire dans une langue qu'il maîtrisait mal ; dans le second, on hésite à croire qu'un Grec de formation militaire ait pu parvenir à une telle virtuosité dans le maniement d'une langue étrangère. Disons que le problème posé par le style et la langue d'Ammien n'a pas encore reçu de solution définitive."
Et pour donner mon humble avis, il me parait évident qu'Ammien a été mal jugé avant tout parce que c'était un auteur d'une époque jugé décadente, un proche de l'Apostat Julien, militaire et grec qui plus est. Le cumul des préjugés est faramineux et a abouti à des jugement négatifs, sans que les braves gens qui le critiquaient se soient jamais demandé comment un auteur parlant mal latin aurait pu etre applaudi à Rome par tous les intellectuels de son temps, comme le dit Libanios dans sa lettre et Ammien lui-même dans son livre. Passionnant exemple de l'influences des préjugés sur le jugement.