- Citation :
- Chez les Romains, de toute façon, tout était propagande, montage et falsification. Tout cela pour servir des buts politiques.
Il ne faudrait quand même pas exagérer... Au lieu de faire un gros paquet d'une tradition littéraire qui s'étale sur plusieurs siècles il convient d'en distinguer les styles (entre l'Histoire Auguste et les panégyrique il y a un univers), des personnalités (Suétone n'est pas Ammien Marcellin), des courants littéraires (la poésie épique n'a pas les mêmes intentions que l'Histoire)... J'ai l'impression de rappeler des fondamentaux quand même...
En tout cas j'aimerais bien que vous me disiez où est la falsification chez Ammien Marcellin...Pire, il est avéré depuis longtemps que des auteurs chrétiens comme Lactance ou Eusèbe de Césaré qui sont des apologistes (je ne reviens pas sur les but de telles oeuvres...) ont retranscrit fidèlement les documents officiels qui apparaissent dans leurs écrits...
- Citation :
- Les auteurs antiques aimaient bien flatter les grands dans le sens du poil afin d'en tirer quelques bénéfices. Rares sont les portraits critiques que l'on trouve sur les empereurs.
Voyez combien Ammien est sympa avec Constance II :
XXI, 16, (8 ) Je viens d'énumérer tout ce qu'on lui connut de bonnes qualités; passons maintenant les mauvaises en revue. Pour peu qu'il fût sur la voie d'une accusation d'aspirer au trône, si frivole ou même absurde qu'en fût le prétexte, il ne lâchait plus prise, et en suivait le fil sans fin ni terme, ne reculant devant aucun moyen, qu'il fût légitime ou non, d'arriver à son but. Et ce prince, qu'à tout autre égard on pourrait ranger parmi les modérés, surpassait alors en atrocité les Caligula, les Domitien, les Commode. La façon dont il se défit de ses parents, au début de son règne, annonçait un émule de ces monstres.
(9) Il aggravait la condition des accusés par la dureté des formes, la persistance envenimée des incriminations. La torture était appliquée sur la plus légère prévention avec des rigueurs inconnues avant lui, et sous l'oeil d'une surveillance impitoyable. La mort même, dans les exécutions, était rendue aussi lente que le permet la nature. Il fut, sous ce rapport, moins accessible à la pitié que Gallien lui-même;
(10) car ce dernier, qui eut constamment à défendre sa vie contre les conspirations trop réelles d'Auréole, de Posthume, d'Ingénu, de Valens (dit le Thessalonique) et de tant d'autres, se relâcha cependant plus d'une fois de la peine capitale envers les coupables. Sous Constance, au contraire, une menteuse confirmation fut souvent arrachée par l'excès des tortures.
(11) Il était dans ces occasions ennemi de toute justice, lui qui tenait si fort à paraître juste et clément. Comme ces étincelles qui s'échappent d'une forêt en temps de sécheresse, et vont inévitablement porter aux hameaux voisins l'embrasement et la mort, le fait le plus léger devenait entre ses mains le germe d'une proscription immense. Quel contraste avec ce Marc-Aurèle, qui en pareil cas fermait toujours les yeux! Cassius venait de proclamer en Syrie ses prétentions au trône; sa correspondance avec ses complices fut interceptée en Illyrie, où se trouvait alors l'empereur. Marc-Aurèle fit jeter le tout au feu, afin qu'ignorant ceux qui conspiraient, il ne fût pas tenté de les traiter en ennemis.
(12) On a dit avec raison que, pour Constance, mieux eût valu résigner le pouvoir que s'y maintenir au prix de tant de sang:
(13) "Le bonheur, dit Cicéron dans une lettre à Cornélius Népos, le bonheur, c'est le succès dans le bien; en d'autres termes, la fortune favorisant des vues honnêtes. Avec des vues mauvaises, on n'est pas heureux. Je n'appelle pas bonheur, chez César, la réussite d'idées impies et subversives. Entre Manlius et Camille, le beau rôle est pour l'exilé Camille, Manlius eût-il même obtenu ce qu'il désirait tant, le trône."
(14) La même pensée se retrouve chez Héraclite d'Éphèse: "Un caprice du sort, dit-il, donne l'avantage un moment au plus faible, au plus lâche, sur le coeur le plus héroïque. Mais, le pouvoir en main, savoir se maîtriser soi- même, dominer son ressentiment, sa haine, et jusqu'aux mouvements subits de sa colère, voilà la vraie gloire, le plus noble des succès."
(15) Autant il fut malheureux et humble dans les guerres étrangères, autant le vit-on, dans l'orgueil de ses succès contre les révoltes intérieures, porter sur ces plaies de l'État une main impitoyable. C'est ainsi qu'il osa, par un flagrant outrage à la coutume et au bon sens, consacrer par des arcs de triomphe, dans la Gaule et la Pannonie, la sanglante réduction de provinces romaines, y graver sur la pierre de tels exploits..., et, tant que dureront ces monuments, transmettre à la postérité la commémoration d'un désastre national.
(16) On sait quel ascendant prenaient sur son esprit les sons flûtés de la voix des femmes et des eunuques, et quel faible il montrait pour quiconque savait le flatter, et s'astreindre à dire oui ou non comme lui.
(17) Il faut compter comme surcroît aux maux de ce règne l'insatiable rapacité des agents du fisc, qui accumulait plus de haine sur la tête du prince que d'argent dans les coffres de l'État. Encore, s'il eût quelquefois prêté l'oreille aux doléances des provinces épuisées!, mais jamais leurs cris de détresse n'obtinrent le moindre allégement au poids et à la multiplicité de leurs charges, ou n'arrachèrent que de vaines et éphémères concessions.
(18) La simple unité du christianisme était chez lui dénaturée par un mélange de superstitions de vieille femme. Il intervint dans les discussions de dogme, plutôt pour raffiner sur les questions que pour concilier les esprits, et multiplia conséquemment les dissidences. Lui-même il prit une part active aux verbeuses subtilités de la controverse. Ce n'étaient sur les routes que nuées de prêtres, allant disputer dans ce qu'ils appellent leurs synodes, pour faire triompher telle ou telle interprétation. Et ces allées et venues continuelles finirent par épuiser le service des transports publics.
(19) Deux mots sur son extérieur. Il était brun de peau, avait le regard élevé, le coup d'oeil perçant, la chevelure fine. Il se rasait avec soin tout le visage, pour faire ressortir son teint. Il était plus long de buste que du reste du corps. Ses jambes étaient courtes et arquées, ce qui donne un grand avantage pour le saut et pour la course.
(20) Quand on eut embaumé et déposé le corps dans un cercueil, Jovien, alors protecteur, eut ordre de le conduire en grande pompe à Constantinople, lieu de sépulture de sa famille. Assis sur le char même qui portait les restes de son maître, cet officier se vit, durant la route, offrir, suivant le cérémonial usité envers les princes, les échantillons des subsistances militaires, et faire hommage de combats de bêtes, au milieu du concours ordinaire des populations. C'étaient comme autant de présages de sa grandeur future; grandeur illusoire et éphémère, comme les honneurs rendus au conducteur d'une pompe funèbre.
Néron et Caligula sont massacrés par la critique enflammée alors que la plupart des sénateurs leur avaient copieusement léché le fondement. Que dire de Claude qui passe pour un sombre abruti alors qu'il était bien plus éminent qu'il n'y parait. Et la liste est bien longue...