Flavius Josèphe
Bonjour à tous ! Je vois qu'il vous manque un auteur, aussi je viens de vous composer rapidement ce petit exposé, en grande partie composé de parties de mes recherches universitaires.
Flavius Josèphe... Un auteur que l'on oublie souvent, mais sur qui pourtant il faut compter!!
Il est la seule source qui nous est parvenue sur l'histoire du peuple juif, si l'on excepte les livres bibliques (canoniques ou non). C'est par lui que nous connaissons la Guerre des Juifs de 66-70, qui voit la victoire de Vespasien et de Titus, permettant à Vespasien de s'emparer du trône, mettant fin à l'année des quatre empereurs. Cette guerre est à l'origine de la dispersion de la population juive sur tout le pourtour de la Méditerranée, et explique donc la situation actuelle de ce peuple, et du Proche-Orient. Voilà, en termes grossiers, ce que l'on doit à Flavius Josèphe !!
De Josèphe à Flavius :Né dans une famille de l’aristocratie sacerdotale judéenne vers l'an 37, Josèphe est un jeune homme brillant, promis à un grand avenir de rabbin. Il passe plusieurs années dans le désert, et suit l'enseignement des plus grands rabbins de son temps. Lors de la révolte de 66, on se tourne naturellement vers lui. Malgré sa conviction de l’invincibilité romaine, il accepte le commandement de la Galilée durant la révolte juive. La mission est capitale : le général Vespasien vient du Nord ; Josèphe doit l'arrêter pour sauver la Judée. Vaincu, il obtient la grâce de Vespasien et de Titus en prédisant qu'ils seraient bientôt empereurs de Rome ; il devient leur interprète durant les négociations, puis part avec eux à Rome après la destruction de Jérusalem. Promu citoyen, il devient Flavius Josèphe (du nom de la famille Flavius, qui est la famille de Vespasien). Il meurt en 95.
Historien officiel, puis historien privé :Quatre ouvrages en langue grecque nous sont parvenus. Le Bello Iudaici, « La Guerre des Juifs », texte d’abord araméen, traduit en grec pour une meilleure diffusion, est un récit officiel de la guerre de 66-70, sous le patronage de Vespasien et Titus, donc probablement sujet à caution. Il s'agit d'une commande : Josèphe était l'homme le plus indiqué pour expliquer à des Romains les coutumes juives. Mireille Hadas-Lebel présente à ce sujet Josèphe comme un homme entre deux cultures, qui ne peut ni blâmer les Juifs, ni critiquer les Romains ; elle démontre alors les jeux narratifs auxquels il se prête pour éviter ces écueils.
Prenant goût à l’écriture historique, Josèphe écrit les Antiquitates Iudaicae, « Les Antiquités Juives », histoire du peuple juif depuis Adam et jusqu’à la guerre de 66-70. Suivent deux récits de moins grand intérêt historique, la Vita, écrite en justification de son action dans la guerre (notamment le célèbre épisode de sa reddition, qui lui a valu bien des reproches : enfermé dans un puits avec les 70 derniers survivants, il aurait proposé un suicide collectif plutôt que de se rendre ; dernier à devoir agir, il préfère appeler les Romains et, pour avoir la vie sauve, joue avec l'ambition du général romain), et le Contra Apionem, récit polémique montrant l’antiquité et donc la dignité du peuple juif. « La valeur historique des témoignages de Flavius Josèphe n’est donc pas constante. […] » écrit Laurianne Martinez-Sève (p. 403).
Les techniques rédactionnelles de Josèphe : Thackeray croit reconnaître deux secrétaires différents ayant aidé Josèphe à traduire en grec le texte qu'il aurait préalablement écrit en araméen (Dans AJ XX, 263-264, l'historien évoque sa difficulté à apprendre la langue grecque, et l'explique par une coutume juive). Selon lui, l'un imite le style de Thucydide, l'autre s'inspire des tragédies grecques, ce qui pourrait expliquer en partie la forte habitude de l'exagération dans son œuvre et les effets de mise en scène de la révolte. Son parti-pris dans les affaires qu'il raconte et les critiques pour lesquelles son œuvre est une réponse (Vita, 428-429) jouent également souvent dans ses interprétations. Josèphe se veut encore continuateur de « l'Histoire sainte » selon l'expression de M. Hadas-Lebel (p. 247), c'est-à-dire l'Ancien Testament : il montre Dieu présent dans les événements qu'il développe. Enfin, pour ne citer que quelques exemples, selon M. Hadas-Lebel, ce juif parfaitement romanisé et client de la famille impériale ne peut ni rejeter la faute de la guerre sur les Romains, ni sur les Judéens ; il attribue donc tous les torts aux excès de quelques procurateurs et au fanatisme de certains juifs, et s'efforce de ménager le prince et les autorités juives.
Conclusion :Selon M. Hadas-Lebel, il y a moins de cinquante ans encore, chaque famille française avait dans sa bibliothèque un exemplaire de Josèphe, aux côtés de la Bible. En effet, Josèphe est le seul historien qui confirme sans aucun problème les faits bibliques (la crucifixion de Jésus est mentionnée, par exemple, même si ce passage a été fortement corrompu par les copistes médiévaux qui y ont rajouté le credo, comme l'a démontré Serge Bardet en 2002). Josèphe est également le seul lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament, et permet de mieux comprendre le Nouveau-Testament et les événements des temps bibliques.
Une controverse eut lieu, pour déterminer si Josèphe était chrétien ou non. Comme l'explique M. Hadas-Lebel (pp. 261-269), pour les auteurs chrétiens du IIIème siècle (par exemple Origène, Contre Celse, I, 47), il ne fallait pas que Josèphe soit chrétien. Les chrétiens ont voulu se servir de Josèphe pour démontrer que même un Juif pouvait rendre témoignage du Christ. Chercher alors si Josèphe n'était pas chrétien fut un effort de plus pour s'opposer au christianisme. Le résultat de cette controverse, c'est que Josèphe était bel et bien un Juif, et qu'il a rendu compte en une phrase du petit fait-divers de la mort de Jésus, transformé en profession de foi par les copistes par la suite.
Bibliographie : Sources :Josèphe :
Antiquitates Iudaicae―
Bello Iudaici―
VitaLes œuvres sont disponibles en version bilingue sur le net.
Ouvrages ou articles: BARDET Serge,
Le Testimonium Flavianum : Examen historique considérations historiographiques, Paris, 2002.
HADAS-LEBEL Mireille,
Flavius Josèphe. Le Juif de Rome, Fayard, Paris, 1989.
MARTINEZ-SEVE Laurianne, « L’expression de la fiscalité chez Flavius Josèphe », dans J. Andreau et V. Chankowski,
Vocabulaire et expression de l’économie dans le monde antique, Ausonius, 2007, pp. 399-421.
THACKERAY Henry St. John,
Josephus : The Man and the Historian, Hardcover Revised edition 1968 (1ère éd. 1929)