Devant l'insistance générale
voilà donc un bref aperçu :
L'AKKADIENIl s'agit du plus vieux langage sémitique connu (~2500 Av. J.C.). Il fut utilisé dans une large zone géographique s'étendant de l'Egypte à la Perse, en passant par l'Anatolie (Turquie moderne), et ce, jusqu'à l'époque de César (sous forme écrite uniquement).
Plusieurs dialectes sont dérivés de l'akkadien : babylonien (ancien, moyen, tardif), assyrien ...
I) FAMILLES LINGUISTIQUESPour avoir une idée du degré de « cousinage »
SEMITIQUE ORIENTAL : Akkadien
SEMITIQUE SEPTENTRIONAL : amorrite, ougaritique, eblaïte
CANANEEN : phénicien, moabite, hébreu
ARAMEEN : araméen, judéo-araméen, samaritain, nabatéen,
SEMITIQUE MERIDIONAL : arabe ancien, arabe classique, éthiopien,
Répartition linguistique de l'utilisation du système cunéiforme (sémitique ou non)
Langue /Période/ Aire de diffusion
Sumérien /~VI° au ~III° millénaire/ Mésopotamie
Hurrite /~III° au ~II° millénaire/ Sud Anatolie
Akkadien ancien /~III° millénaire/ Mésopotamie
Cananéen /~II° millénaire/ Palestine
Hittite /~II° millénaire/ Anatolie
Elamite /~II° au ~I° millénaire/ Sud Ouest Iran
II) PHONETIQUEContrairement à ses cousins, l'akkadien est une écriture sémitique cunéiforme non-alphabétique. Donc, pas d'alphabet !
La prononciation est la même qu'en français, mais :
- u se prononce toujours ou :
Uruk =
Ourouk,
- toutes les consonnes s'articulent :
Ningirsu = Ninn-gir-sou, et non Nain-gir-sou
- toutes les consonnes sont dures :
Ningirsu = Ninn-guir-sou, et non Ninn-jir-sou
- h correspond à la jota espagnole,
- š (shin)correspond à notre ch.
- il n'existe pas de son correspondant à f, c, v, x, y.
L'accent circonflexe sur une voyelle, en akkadien, indique que la voyelle est longue :
Atra-hasîs.
Curiosité de la langue, la voyelle « o » n'existe pas en akkadien !
III) STRUCTURE1) Mots
- Les mots ne sont pas séparés par un blanc en akkadien. Généralement, une phrase tient sur une seule ligne, de sorte qu'une phrase comportant peu de mots sera très espacée. Le dernier signe est aligné à droite, et un mot ne continue jamais sur la ligne suivante.
- Tous les mots sont composés de syllabes courtes (ex : pa-ra-sum).
- Comme dans les autres langues sémitiques, la racine d'un mot akkadien est composée de 2 ou 3 consonnes (ex : *prs =
parâsum (infinitif)= décider, séparer).
- Contrairement aux autres langues sémitiques, comme l'hébreu par exemple, les voyelles s'écrivent. Cela est dû à la reprise par les akkadiens des cunéiformes sumériens, qui eux, transcrivaient systématiquement les voyelles.
- L'akkadien ne possède pas d'article défini ou indéfini, mais définit le nom selon le contexte.
2) Affixes (préfixes, suffixes, infixes)
a) Préfixes
En akkadien, les pronoms personnels sujet n'apparaissent pas en tant que mots séparés, mais sont exprimés dans la conjugaison verbale par des préfixes et/ou des terminaisons particulières (ex : i pour il, elle). Ainsi : « il décida » donne i-prus (infinitif
parâsum).
b) Suffixes
En akkadien, les pronoms possessifs sont suffixés. Ainsi : son, sa =
šu , avec
qatum (main), on obtient
qatšu = sa main.
Mon, ma, mes =
-î Ton, tes =
-ka Ta, tes =
-ki Son, ses =
-šu Sa, ses =
-ša Notre, nos =
-ni Votre Mas., vos=
-kunu Votre Fém., vos=
-kina Leur Mas., leurs=
-šunu Leur Fém., leurs=
-šinac) Infixes
En akkadien, l'infixe -t- (souvent présent sous forme -ta-) est très répandu et indique généralement une forme passée du verbe.
iparras Présent il sépare
iptaras Parfait il a séparé
3) Le nom
a) Cas du nom
En akkadien, on utilise principalement 3 cas :
- nominatif : indique le sujet dans la phrase.
- génitif : indique les relations entre les noms et les prépositions.
- accusatif : indique l'objet dans la phrase.
Exemples :
šarrum (le/un roi) nominatif
šarrim génitif
šarram accusatif
Ici, les voyelles indiquent le cas.
a) Genre du nom
L'akkadien possède 2 genres : masculin et féminin.
Le féminin est marqué par les suffixes -t ou -at.
Ainsi : - *sarr - (roi) + -at (marque du féminin) + -um (marque du nom au nominatif) =
šarratum (reine).
-
kârabu (bénir) + -i (génitif) + -t (féminin) =
kâribtu (celle qui bénit)
b) Nombre
L'akkadien possède 3 formes : singulier, pluriel et duel.
Le pluriel est caractérisé par les voyelles longues et la suppression du -m
Exemple : Nominatif
šarrû (les/des rois)
Génitif
šarrîLe duel est caractérisé par les voyelles longues et la nunnation (ajout d'un -n final )
Exemple : Nominatif
inân (les (deux) yeux)
Génitif
inîn c) Etat construit
Deux noms peuvent être combinés pour former un «composé ». La première partie est l'« état construit » (écrit dans un style grammatical particulier) et la deuxième, un nom au génitif.
Ainsi :
bêl(um), « seigneur » à l'état construit +
bîtum, « pays » au génitif, bîtim =
bêl bîtim, « seigneur du pays ».
4) L'adjectif
En akkadien, il n'existe pas de degrés de comparaison notés par des terminaisons spécifiques (Ex : en anglais, tall -er = plus grand). L'interprétation dépend, une fois de plus, du contexte. Par ex :
rabû (grand) peut également signifier « plus grand ».
Le qualificatif suit normalement le nom qu'il modifie . Exemple :
sarrum dannum (« le roi fort/puissant » ),
awîlum kabtum (« un homme important »).
L'adjectif possède en général la même terminaison que le nom :
-
šarrum dannum (« le roi fort / puissant ») au nominatif
-
šarrim dannim (« au roi puissant / fort ») au génitif
-
šarram dannam (« le roi fort / puissant ») à l'accusatif
a) Type d'adjectif
Les deux types les plus communs d'adjectifs nous renseignent sur la qualité du nom (un livre utile) et sur l'état du nom (humide, malade).
b) Usage des adjectifs
En plus de sa fonction d'attribut, l'adjectif peut également être verbal (fonction commune aux langues sémitiques). : l'adjectif « bon » peut également être le verbe d'état « être bon ».
5) Les noms abstraits
Les noms abstraits akkadiens sont formés avec des affixes (ex. en français : triste-esse, juge-ment, ...etc).
/sens /nom abstrait /sens
âliku /celui qui va/
âlikûtu/ (fonction de) messager
bêlu /seigneur /
bêlûtu /autorité du seigneur
dannu /fort /
dannûtu /forteresse
enlil /autorité supérieure /
enlilûtu (le) divin (Enlil)
etlu /jeune homme /
etlûtu jeunesse
malku /souverain/
malikûtu /souveraineté
šarru /roi /
šarrûtu /royauté
6) Le verbe
Le gros morceau (et le plus difficile) de la grammaire akkadienne !
La grande différence du verbe akkadien par rapport au français (par exemple), est que la structure entière du mot peut se modifier selon le temps de conjugaison, alors que seule la terminaison change en français. La seule forme restant fixe est la racine (mais voir les verbes « faibles »).
Une particularité de plus : le futur n'existe pas en akkadien ! Il s'agit du présent qui a également valeur de futur (toujours en fonction du contexte).
a) Verbes forts/faibles
La signification du terme de verbe « fort » ou « faible » passe par une définition de consonnes « fortes » ou « faibles ». Une consonne faible comme n peut subir une transformation phonétique si elle apparaît avant une autre consonne.
Par exemple, en français : n dans le préfixe -in (invisible) devient m dans immature (-in+mature).
Ainsi en akkadien, les verbes sont dits « forts » lorsqu'ils possèdent 3 consonnes « fortes » dans la racine (Ex : *prs), qui ne subissent aucune transformation phonétique dans les conjugaisons.
Les verbes sont dits « faibles » lorsqu'ils ne correspondent pas à la définition ci-dessus (de manière générale, pour simplifier).
b) Schèmes (stems) des verbes
Comme les autres langues sémitiques, le verbe akkadien est conjugué selon plusieurs sous-systèmes appelés schèmes (stems en anglais). Ils sont différenciés par la présence ou l'absence d'éléments infixés ou redoublés.
Il y a 4 schèmes principaux :
- G (duquel découlent les autres). Ex :
iprus = il a séparé (*prs au prétérite);
- D (duplication du 2e radical + préfixe -u). Ex : uparris ;
- š (š préfixe la racine *prs et -u préfixe le tout). Ex :
ušapris ;
- N (la racine est préfixée par -n). Ex :
ipparis (le -n s'assimile systématiquement au 1er radical, ici -p)
c) Temps des verbes
L'akkadien possède 4 temps dans chaque schème :
- le présent, qui exprime une action qui dure ;
- le prétérite, qui exprime une action qui a eu lieu en un moment précis du passé ;
- le parfait, qui exprime une action en relation temporelle avec une autre action ou avec le présent ;
- le statif, qui exprime un état plus qu'une action. Ex : « il est vieux » plutôt que « il devient vieux » .
Il y également 2 formes verbales non conjuguées (comme en français) : l'infinitif et le participe.
d) Classes des verbes
On peut séparer les verbes akkadiens en 2 classes :
- les verbes d'action, caractérisés par différentes voyelles (
isbat,
irpud,
ipqîd).
- les verbes d'état, caractérisés par la voyelle i (
idmiq)
La combinaison de tous ces facteurs donne plus de 1000 formes différentes pour chaque verbe !
Voilà un bref survol des particularités de cette langue qui, je l'espère, vous fera voir d'un oeil différent les p'tits morceaux d'argiles avec des traits dessus !
Sources :
http://www.orient-ancient-mesopotamie.org
http://www.ezida.com
http://xoomer.virgilio.it/bxpoma/akkadita
La Mésopotamie de G. ROUX éd. du Seuil 1985
Lorsque les dieux faisaient l'homme de J.BOTTERO éd. Gallimard 1989
Manuel d'épigraphie akkadienne de LABAT/MALBRAN-LABAT
P.S. : le vieux-perse, c'est pour plus tard !P.P.S. (H.S.) : chère Tanit, serais-tu, par hasard, la même avec laquelle j'eus l'occasion (sur JRRVF il me semble) de plaisanter naguère sur tes rapports privilégiés avec Chaucer ?